Dans un entretien accordé à notre journal, l’ivoirienne  Louise Ayetotche (née le 3 Juin 1975 à Daloa), ancienne championne d’Afrique et  du monde d’athlétisme de 1989 à 2008   au 100m en 12,00 S et médaillée d’Or au 200m, spécialiste du sprint, revient sur le mal profond dont elle souffre pour son intégration à la fédération ivoirienne  d’athlétisme.

Que peut-on retenir de votre parcours ?

J’ai commencé dans les années 1989, j’ai été recrutée par mon entraîneur Caleto, paix à son âme avec Koffi Antoine qui est décédé dernièrement. J’étais à Daloa et on m’a demandé de venir compétir pour le championnat de Balck Blind au champroux. Je n’avais jamais compéti. Avant de partir, j’ai participé à des cross. Quand je suis arrivée, j’ai décroché une médaille au 100m en 12,00 S et la médaille d’Or au 200m, Koudougon Adélaïde était en ce temps  la championne. Après cela, ils m’ont demandé de rejoindre l’équipe nationale. Nous sommes allés dans plusieurs pays pour des compétitions, mais j’étais remplaçante. En 1990, j’ai commencé à faire des relais, les 100 et 200 m. Au départ, j’ai commencé avec les 800m et 1500m et après mon entraîneur Meité Amadou a essayé de me caser sur plusieurs distances, c’est-à-dire, le sprint, le 100, 200,400,800, et le 1500 m, souvent aussi aux sauts en longueur. En Afrique, je suis allée dans plusieurs pays dont l’Égypte et le Maroc. En 1992, j’étais à Barcelone pour les Jeux Olympiques où j’étais remplaçante avec l’équipe nationale. Championne d’Afrique en 1998 à Dakar et la médaille d’argent en 1993 aux jeux de la francophonie. Les compétitions au niveau mondial sont : deux jeux olympiques, Barcelone et les jeux olympiques de Sydney où j’ai occupé la 9ème  place. En 2006, j’ai fait la coupe du monde, à l’Île Maurice, j’ai eu la médaille de bronze pour aller représenter l’Afrique en Grèce. Au total, j’ai eu cinq championnats du monde, deux jeux olympiques, championne d’Afrique et une coupe du monde.

Quel est votre secret ?

Mon meilleur secret, je peux dire, c’est la foi en Dieu qui m’a conçue. Je suis sortie de nulle part, je ne me suis pas entraînée pour devenir une athlète. C’est à l’épreuve Physique Sportive (EPS) à Daloa que j’ai été découverte pour venir compétir. Dans le secret, je n’ai pas d’entraîneur pour dire que je vais m’entraîner. J’ai mis ma foi en l’éternel qui me donne l’inspiration. Je n’ai jamais eu de contrat professionnel qui va me permettre de me prendre en charge. Aux États-Unis, je m’entraînais partout, en salle, mer, etc… et je demandais à Dieu de m’entraîner, si ce n’est pas Dieu, je ne serai pas arrivée là.

Que reprochez-vous aux dirigeants sportifs de votre pays ?

Je n’ai jamais pensé que j’allais venir retracer mon histoire. Pour moi-même, les vétérans qui sont déjà décédés, on se souvient d’eux pour déposer une fleur sur leur tombe, parce qu’on sait qu’ils ont leurs noms gravés dans les archives. Quand, j’arrive au champroux et que je demande si vous connaissiez Ayetotche, ils disent non et je leur dis que j’étais une athlète et championne de Côte d’Ivoire. C’est mon record au 200 m que Murielle Ahouré a décroché. Je me souviens très bien quand on faisait le relais au champroux, j’ai appelé Murielle pour venir courir avec nous. Donc un record qui est battu, on doit savoir qui détenait ce record. Quand je suis arrivée, j’ai été voir monsieur Jeannot qui était le directeur de l’Athlétisme. Je partais voir tous les dirigeants. Lors de la levée du corps de Koffi Antoine à Ivosep, tout le monde criait mon nom comme si j’étais une nouvelle vedette qui vient d’arriver. Mon histoire n’est pas connue. Je suis allée aux Etats-Unis en 1997 pour une bonne préparation et  pour venir représenter la Côte d’Ivoire. Je ne suis pas allée aux USA pour des études. 8 ans plus tard, je me retrouve à Sydney pour compétir. Après les compétitions, je retourne directement aux Etats-Unis, ce qui fait que je n’étais pas constamment en Côte d’Ivoire. Pour moi l’athlétisme est ingrat parce que quand mon grand frère est décédé toute l’équipe savait sauf moi. J’étais étudiante qui courrait pour la Côte d’Ivoire. On m’a retiré ma bourse aux Etats-Unis, sous prétexte que j’ai trop mis du temps en Afrique et je me retrouve dans la rue. J’ai fait trois mois dans la rue, c’est là que mon entraîneur qui était un nigérian m’a récupérée pour s’occuper et m’entraîner aussi pour les compétitions à venir. J’ai eu une maladie pulmonaire qui a fait que l’université m’a exclue, car je ne pouvais plus compétir pour eux et je luttais aussi pour ma bourse. J’ai passé une année dans la rue, malgré cela, on m’appelait pour aller compétir avec l’équipe nationale. J’étais beaucoup découragée, parce qu’après les compétitions, je ne recevais pas les encouragements des dirigeants sportifs ivoiriens. Ils m’ont totalement oubliée. Ils me traitent comme si je n’ai jamais remporté des médailles pour la Côte d’Ivoire.

Après Gabriel Tiacoh, Koudougnon Adélaide et   Louise Ayetotche l’athlétisme connait un regain de forme en Côte d’Ivoire, avec deux vice-championnes Ahouré et Ta Lou dans ses rangs. Où le sprint tire sa force concrètement ?

Aujourd’hui, je pense qu’il y a deux catégories d’athlètes. Quand je regarde Murielle Ahouré et Ta Lou, je sais quels genres d’athlètes, elles sont. Il faut être dans ce domaine pour savoir si elles sont talentueuses où elles ont un talent innés en elle et il y a aussi les entraînements. Le talent que Ta Lou a, c’est le même talent que j’avais, c’est-à-dire quand on t’appelle pour aller compétir, tu reviendras avec des médailles. Dans le cas de Murielle Ahouré, c’est l’entraînement qui a fait son talent.

Votre regard sur de l’organisation des compétitions au niveau de la Côte d’Ivoire et du monde ?


L’athlétisme est en moi, quand je porte le maillot, j’ai envie de courir. Si Dieu me fait la grâce d’entraîner mes petits frères, je vais le faire, car j’ai le diplôme. Il y a beaucoup d’athlètes qui peuvent apporter des médailles à la Côte d’Ivoire. Je compte apporter ma contribution afin de booster le niveau de l’athlétisme ivoirien. Le niveau actuel de l’athlétisme est bon avec les résultats que nous avons.  Mais on peut mieux faire. Les jeunes talents doivent bénéficier de notre expérience. On peut plus relever le niveau si on fait appel aux anciennes gloires. Avoir des entraineurs chevronnés ivoiriens serait plus profitable aux jeunes athlètes. Qu’on n’oublie pas les anciennes championnes. Comparativement aux autres pays, l’athlétisme au niveau national a besoin d’un coup d’accélérateur pour atteindre le niveau acceptable. Mais cela ne peut se réaliser sans l’appui des champions.

Qu’attendez-vous des autorités ivoiriennes et des dirigeants sportifs ?

Après la pandémie Covid-19, j’ai tout perdu. Je compte sur mon pays d’abord pour me faire connaître. Souvent, je me demande si le Président Alassane Ouattara me connaît. Je sollicite sa mansuétude pour que je puisse avoir  un petit dortoir après les services rendus à la nation.  Quand j’arrive en Côte d’Ivoire, je ne sais pas où dormir. J’ai besoin d’une aide de l’État Ivoirien. 

Interview réalisée par Fofana Zoumana

Collaboration Charles Zahe

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