Au Haut-Karabagh, après les premières discussions, hier jeudi, entre les autorités de la province sécessionniste et l’Azerbaïdjan, dans la ville azérie de Yevlakh, l’heure est à l’expectative sur le front politique, mais sur le terrain, la communauté arménienne se terre et à Erevan, le Premier ministre Nikol Pachinian est accusé de faiblesse à l’égard de Bakou.
Les soldats azerbaïdjanais encerclent ce vendredi Stepanakert, la « capitale » de la région séparatiste du Haut-Karabakh et les troupes séparatistes négocient le retrait de leurs troupes avec l’Azerbaïdjan sous l’égide des soldats de la paix russes . « Les discussions sont menées sous les auspices des gardes de la paix russes pour organiser le retrait des troupes et assurer leur retour à la maison des citoyens déplacés par l’agression », peut-on lire dans le communiqué des séparatistes. « La situation à Stepanakert est horrible, les troupes azerbaïdjanaises sont partout autour de la ville, elles sont à la périphérie », déclarait plus tôt ce matin Mme Armine Hayrapetian, une porte-parole des autorités de ce territoire sécessionniste à l’Agence France presse.
Stepanakert et d’autres régions du Nagorny Karabakh sont en outre privées de la plupart des services de base depuis l’offensive éclair en début de semaine de l’armée azerbaïdjanaise pour reconquérir cette enclave, a ajouté Mme Hayrapetian. La fermeture pendant du longs mois du corridor de Latchine par les troupes azerbaïdjanaises avait déjà rendu l’approvisionnement de l’enclave très difficile.
Accusé de passivité face au voisin azerbaïdjanais, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a reconnu au cours d’un conseil des ministres que la situation restait « tendue » au Haut-Karabakh, en raison de la situation humanitaire. Mais « il y a un espoir de dynamique positive », a ajouté le chef du gouvernement pour qui le cessez-le-feu entré en vigueur mercredi entre les séparatistes arméniens et Bakou est « globalement » respecté, malgré des « violations isolées » signalées hier et dans dans la nuit.
Manifestations à Erevan
Ce vendredi matin, des manifestants hostiles au Premier ministre sont de nouveau descendus dans les rues d’Erevan, la capitale de l’Arménie, pour protester contre la gestion de la crise au Nagorny Nagorny Karabakh par le gouvernement. « Pour notre patrie, pour notre Artsakh, c’est pour ça que je suis là, explique un manifestant à notre envoyé spécial, Régis Genté. Ce qui se passe en ce moment c’est juste un génocide. Et le pouvoir arménien, il ne fait pas qu’accompagner ce processus, il aide l’Azerbaïdjan et les Turcs. Si vous écoutez les explications d’hier du premier Ministre, il dit que tout va bien en Artsakh,que nos concitoyens ne sont pas en danger ».
Les partis d’opposition accusent Nikol Pachinian d’avoir fait trop de concessions à Bakou et réclament sa démission. Des chefs de l’opposition ont également annoncé leur intention d’ouvrir une procédure de destitution de Nikol Pachinian au Parlement.
Selon le dernier bilan des séparatistes arméniens, l’opération militaire azerbaïdjanaise, qui s’est achevée en 24 heures mercredi à la mi-journée, a fait au moins 200 morts et 400 blessés. Le succès militaire des Azerbaïdjanais nourrit les craintes d’un départ massif des 120.000 habitants du Nagorny-Karabakh, même si l’Arménie a promis qu’aucune évacuation de masse n’était prévue. Celle-ci s’est néanmoins dit prête à accueillir « 40.000 familles » de réfugiés. L’agence de presse officielle azerbaïdjanaise Azertag a rapporté de son côté que Bakou avait envoyé dans la région 40 tonnes d’aide humanitaire et que le président du pays Ilham Aliev avait promis de garantir les droits des Arméniens vivant dans l’enclave.
Chacun l’a dit à l’issue de la réunion d’hier à Yevlakh, il y aura d’autres rencontres… A la sortie de la discussion, les délégations ont parlé de discussions « constructives ». Et dans un communiqué, les séparatistes ont fait part « de leur disposition à poursuivre les réunions », rappelle notre correspondant régional, Régis Genté.
Peu d’informations ont filtré de ce qui s’est réellement dit à Yevlakh. Selon des responsables politiques du Karabagh, il y a été entre autres question de cessation de l’activité militaire, autrement dit du désarmement du Karabagh. Sujet délicat s’il en est, puisqu’un des grands obstacles dans les discussions de paix des derniers mois entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie a été l’absence de garanties offertes par Bakou quant à la sécurité des quelque 120.000 Arméniens du Haut-Karabakh.
Il y a aussi été question de fourniture d’aide humanitaire, de nourriture et de médicaments notamment, de carburant, ou encore de moyens de chauffage pour les jardins d’enfants et les écoles. Ce qui aurait été promis par Bakou dans de brefs délais, mais probablement pas avant la reddition politique pleine et entière du Haut-Karabagh.
AFP