Des chauffeurs au service de l’administration publique ou privée broient du noire à cause de la maltraitance de leurs patrons qui les utilisent pour des motifs personnels. Bien traités pour certains et mal traités pour d’autres. Certains n’hésitent pas à abandonner le cerceau en plein service ou à rendre leur démission. C’est le lieu d’attirer l’attention de leurs employeurs sur le sort de ceux qui tiennent leur vie en main.
Des chauffeurs de l’Administration publique utilisés à des motifs personnels
Ils sont nombreux les chauffeurs de l’administration publique qu’on utilise pour des besoins personnels. Après de durs labeurs dans la journée, des patrons les utilisent pour des courses personnelles. Ces heures supplémentaires ne sont jamais réénumérées. C’est le cas de D.L, chauffeur à la fonction publique, qui n’arrive plus à supporter la maltraitance de son patron.
« Je n’ai même plus d’heures ou de jours de repos. Je n’ai même plus le temps de voir ma famille. Je suis même devenu le chauffeur de tous les membres de la famille. Même aux heures de travail, je suis envoyé par les servantes au marché », se plaint-il.
La majorité des chauffeurs vivent une vie professionnelle de martyr. Le constat est patent. Car certains parmi eux se sont confiés à notre équipe de reportage dans le parking de certains établissements scolaires privés d’Abidjan. Très tôt le matin ces derniers vont déposer les enfants à l’école et après vont chercher Monsieur ou Madame pour les envoyer au travail. Malgré ce gros travail d’hercule, ces chauffeurs subissent en longueur de journée les injures des enfants ou du patron surtout quand les embouteillages sont monstres sur les voies. En un mot, l’appellation chauffeur n’est qu’une couverture. Sinon ces chauffeurs de ces services subissent un traitement esclavagiste. Pire, après ces longues courses, ces chauffeurs se retournent à la maison à leurs propres frais. En plus de cette grande fatigue, certains patrons appellent leurs chauffeurs pour des courses nocturnes à des heures indues. C’est le cas de P.I qui souhaite une amélioration des conditions de travail des chauffeurs des services publiques ou privés. « Je n’ai pas de temps de repos. Je suis surexploité. Vivement que le gouvernement ivoirien essaie de penser à notre cas afin que ces patrons puissent reconnaitre notre rôle et notre place », a-t-il confié.
Des chauffeurs traités comme des sous-hommes
Incontestablement, la plupart des patrons traitent leurs chauffeurs comme des sous-hommes qui n’ont pas droit au bien-être. Beaucoup d’entre eux n’ont pas accès au domicile de leurs patrons. Leur limite, c’est le parking. « Je ne bois pas et ne mange pas chez ma patronne. Même si l’envie d’aller aux toilettes me prend, je suis contraint à aller le faire dans la broussaille ou sur un terrain nu. Cela m’expose à de gros risques et à de grands dangers. Nous sommes traités comme des robots. Pour la moindre faute ou absence, on vous traite de tout. Et souvent vous êtes flagellés d’injures au point de bafouer votre dignité ou votre intimité. Je suis soumis à des tâches qui n’ont rien avoir avec mon travail. Quand je dépose ma patronne, je passe tout le temps au garage en attendant qu’on m’envoie pour d’autres courses », a témoigné un autre chauffeur.
Pendant qu’ils sont censés être à la maison les week-ends, ils sont au service de leurs patrons. Si cette souffrance au boulot était compensée par un bon traitement salarial, les chauffeurs n’auraient pas trouvé à redire. Les salaires étant bas, ils sont obligés de recourir à des activités compensatrices pour arrondir leurs fins du mois.
Des chauffeurs obligés d’exercer d’autres activités
Pour ne pas mourir de faim, certains chauffeurs sont obligés d’exercer des boulots tels que le transport urbain et travailler dans des lavages autos. Tout cela pour compenser le salaire maigre que certains chauffeurs perçoivent surtout dans le privé.
« Je perçois 75 000 FCFA par mois. Afin de faire face aux besoins de la famille, je roule un Wôrôwôrô les dimanches sur la ligne Riviera 3 Carrefour Commissariat et Pétro Ivoire Angré. Sur cette ligne, je travaille comme un contractuel », s’offusque D.L.
Le carburant mesuré
Pour éviter que certains chauffeurs ne fassent des courses en dehors de leur mission, certains patrons mesurent le carburant. Récit complet de K.C : « je conduisais une dame qui chaque matin mesurait le carburant. Une situation qui m’obligeait à gérer le peu de carburant qu’on me donnait. Mais un jour, le véhicule est tombé en panne sèche d’essence aux environs de 21 heures 30 entre le Carrefour Akwaba et l’Aéroport, pendant que j’accompagnais ma patronne et ses enfants à l’aéroport où ils se rendaient pour pendre le vol de 23 heures. Dans ces conditions difficiles, ma patronne me demande d’aller chercher de l’essence dans un bidon à la station Total non loin du carrefour Akwa situé loin derrière nous. C’était beaucoup risqué. Ce qui m’a plus énervé, sans chercher à savoir, elle s’est mise à m’insulter du fait que le carburant finisse dans un lieu où les risques d’agressions sont énormes. J’ai été l’objet de toute sorte d’injures ce jour-là. N’ayant pas pu supporter cette situation, J’ai dû les abandonner pour rentrer chez moi. Car je n’arrivais plus à supporter cette dame. En tout cas ce jour, toute sa famille a payé les frais de sa méchanceté. J’ai fait cela sans remord afin que chacun de nous puisse prendre conscience du danger auquel nous sommes exposés surtout quand un chauffeur est maltraité ».
Des chauffeurs soumis à un test de moralité
Pour mériter la confiance de l’employeur, beaucoup de chauffeurs sont soumis à des épreuves. Les patrons étudient à fond le comportement de leurs chauffeurs avant de leur accorder certains avantages. « Chaque matin, durant près de 5 ans, je déposais les enfants de mon patron à l’école Mermoz à Cocody. Je ne conduisais que les enfants. Un jour, après avoir déposé les enfants comme tous les autres chauffeurs commis à cette tâche, j’attendais devant l’école l’heure de la descente pour les ramener à la maison. Mais ce jour-là, ma grande sœur m’a appelé d’urgence pour aller chercher ma petite sœur à la nouvelle gare routière d’Adjamé pour l’envoyer chez elle à la Riviéra-Faya. Sincèrement, ma petite sœur découvrait pour la première fois Abidjan. Comme il n’était pas encore midi, j’ai décidé de prendre la voiture des enfants pour aller chercher ma petite sœur à Adjamé. Chemin faisant, mon patron m’a appelé sur mon téléphone au niveau du Rond-point de la Riviera 2 pour savoir où j’étais précisément. Pendant ce temps, lui aussi était dans les environs faire des courses avec sa voiture. Or au moment où il m’appelait, il me suivait avec sa voiture. Je lui ai répondu franchement que j’étais au niveau de l’échangeur de la Riviera 2 à Cocody et que j’étais allé chercher ma petite sœur qui n’a jamais foulé le sol abidjanais, à la gare routière à Adjamé pour l’envoyer chez ma grande sœur à la Riviera-Faya. Il m’ordonna de m’arrêter et me fis signe qu’il est juste derrière moi. Ce jour-là, il n’a pas manqué de me dire qu’à partir de cet instant, je devenais son homme de main et de confiance. Il faut dire que deux jours après, il m’a confié la gérance de ces 25 taxis-compteurs et ses maisons en location à Abidjan. Un autre chauffeur a été choisi pour déposer les enfants à l’école. Je vous assure que depuis ce jour, je voyage avec mon patron partout où il a investi », révèle S.M. ancien chauffeur, qui est présentement le gérant des biens de son patron. Ce qui n’est pas le cas de certains chauffeurs qui n’hésitent pas à mentir à leurs patrons.
Il faut rendre hommage aux patrons qui traitent bien leurs chauffeurs
Il faut cependant féliciter les patrons qui ont décidé de traiter humainement leurs chauffeurs. Des exceptions qui confirment la règle. D’autres chauffeurs sont bien traités. Des chauffeurs sont assurés et déclarés à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS). Des patrons prennent leurs chauffeurs pour leurs propres parents. Certains même deviennent leurs hommes de main. D’autres sont traités comme des princes. Surtout quand le patron est absent, on lui confie tout. Il a beaucoup de privilèges et beaucoup d’avantages.
Il faut respecter la législation du travail
Les lois du travail sont claires en la matière et doivent être respectées. Car, dans ce schéma, des chauffeurs vivent un véritable calvaire avec leurs patrons. À défaut de lui payer les heures supplémentaires, il a au moins le droit à un minimum de respect.
Enquête réalisée par Fofana Zoumana
Photos : Bakayoko Mondjou