Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national, parti d’extrême droite français, connu pour sa rhétorique enflammée contre l’immigration et le multiculturalisme, qui lui a valu à la fois de fervents partisans et une condamnation générale, est décédé. Il avait 96 ans.

Figure polarisante de la politique française, les déclarations controversées de M. Le Pen – dont la négation de l’Holocauste et sa proposition, en 1987, d’isoler de force les personnes atteintes du sida dans des installations spéciales, lui ont valu de multiples condamnations et ont mis à rude épreuve ses alliances politiques.

M. Le Pen, qui a atteint le second tour de l’élection présidentielle de 2002, s’est finalement éloigné de sa fille, Marine Le Pen, qui a rebaptisé son Front national, l’a évincé et l’a transformé en l’une des forces politiques les plus puissantes de France, tout en prenant ses distances par rapport à l’image extrémiste de son père.

Jordan Bardella, président du Rassemblement national, le nom actuel du parti, a confirmé la mort de Mme Le Pen dans un message publié sur le réseau social X mardi. L’hommage inhabituellement chaleureux de M. Bardella a souligné le passé polémique de M. Le Pen, notamment ses liens avec la guerre d’Algérie, le décrivant comme un « tribun du peuple » qui « a toujours servi la France » et exprimant ses condoléances à sa famille, y compris à Marine.

Le message semble estomper la distance que le parti rebaptisé avait cherché à établir entre son fondateur incendiaire et sa direction plus polie et moderne sous la houlette de Marine Le Pen.

Extrême droite

Marine Le Pen, à des milliers de kilomètres de là, dans le territoire français de Mayotte, inspectait les conséquences du cyclone destructeur Chido au moment de la mort de son père.

Malgré son exclusion du parti en 2015, l’héritage clivant de M. Le Pen perdure, marquant des décennies de l’histoire politique française et façonnant la trajectoire de l’extrême droite.

Son décès est survenu à un moment crucial pour sa fille. Elle risque désormais une peine de prison et une interdiction de se présenter à des élections si elle est reconnue coupable dans un procès pour détournement de fonds.

Figure emblématique de la vie politique française depuis des décennies, le fougueux Jean-Marie Le Pen était un stratège politique rusé et un orateur doué qui utilisait son charisme pour captiver les foules avec son message anti-immigration.

Ce fils de pêcheur breton, aux cheveux argentés et en surpoids, se considérait comme un homme investi d’une mission : garder la France française sous la bannière du Front national. Choisissant Jeanne d’Arc comme patronne du parti, M. Le Pen a fait de l’islam et des immigrés musulmans sa principale cible, les rendant responsables des malheurs économiques et sociaux de la France.

Ancien parachutiste et légionnaire étranger ayant combattu en Indochine et en Algérie, il a entraîné ses sympathisants dans des batailles politiques et idéologiques avec un panache qui est devenu la signature de sa carrière.

« Si j’avance, suivez-moi ; si je meurs, vengez-moi ; si je me dérobe, tuez-moi », a déclaré M. Le Pen lors d’un congrès du parti en 1990, reflétant le style théâtral qui, pendant des décennies, a nourri la ferveur de ses partisans.

Racisme

M. Le Pen, qui a perdu un œil dans une bagarre de rue dans sa jeunesse et qui a porté pendant des années un cache-œil noir, a été une force constante dans la vie politique française, impossible à ignorer pour les politiciens de gauche ou de droite.

Élection après élection, il s’est avéré être le trouble-fête, obligeant ses rivaux à se démener pour le contrer, et parfois à s’abaisser à récolter les votes de l’extrême droite.

Condamné à de nombreuses reprises pour antisémitisme et régulièrement accusé de xénophobie et de racisme, M. Le Pen a toujours répondu qu’il n’était qu’un patriote protégeant l’identité de la « France éternelle ».

M. Le Pen a récemment été exempté de poursuites pour raisons de santé dans le cadre d’un procès très médiatisé sur le détournement présumé de fonds du Parlement européen par son parti, qui s’est ouvert en septembre.

Les autorités judiciaires françaises ont placé M. Le Pen sous tutelle en février, à la demande de sa famille, en raison de la dégradation de son état de santé, ont rapporté les médias français. Son état de santé était déjà fragile depuis un certain temps.

Seconde Guerre mondiale

M. Le Pen a notamment été condamné en 1990 pour une déclaration radiophonique faite trois ans plus tôt, dans laquelle il qualifiait les chambres à gaz nazies de « détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ». En 2015, il a réitéré cette remarque, affirmant qu’il ne la regrettait « pas du tout », ce qui a déclenché l’ire de sa fille – alors chef du parti – et une nouvelle condamnation en 2016.

Il a également été condamné pour une remarque de 1988 associant, par un jeu de mots, un ministre aux fours crématoires nazis, et pour un commentaire de 1989 reprochant à « l’internationale juive » d’avoir contribué à faire naître « cet esprit antinational ».

Autre revers, Le Pen a perdu son siège au Parlement européen en 2002 pour un an pour avoir agressé un politicien socialiste lors d’une campagne électorale en 1997.

Plus récemment, M. Le Pen et 26 responsables du Front national, dont ses filles Marine et Yann Le Pen, ont été accusés d’avoir utilisé de l’argent destiné à des assistants parlementaires de l’UE pour payer des collaborateurs qui, au lieu de cela, ont fait du travail politique pour le parti entre 2004 et 2016, en violation des règlements du bloc des 27 nations. Jean-Marie Le Pen a été jugé inapte à témoigner.

Origines

Né le 20 juin 1928 dans le village breton de la Trinité-Sur-Mer, de Jean Le Pen, un pêcheur qui mourra pendant la Seconde Guerre mondiale, et de son épouse Anne-Marie, Jean-Marie Le Pen se révèle un fils ambitieux, attiré très tôt par l’extrême droite.

Diplômé en droit et en sciences politiques, il monte à Paris et devient à 27 ans le plus jeune député de l’Assemblée nationale sous la bannière de l’Union pour la défense des commerçants et artisans, dirigée par Pierre Poujade. Sa carrière ne s’écarte jamais du chemin de l’extrême droite.

En 1963, il fonde avec Léon Gaultier, qui a servi dans la Waffen SS, une société, la SERP, qui produit des discours politiques. Avec le groupe néo-fasciste Ordre Nouveau, Le Pen fonde le Front national le 5 octobre 1972.

Il faudra attendre plus d’une décennie pour que le parti émerge en tant que force politique – lors des élections municipales de septembre 1983, lorsque Jean-Pierre Stirbois remporte 16,7 % des voix dans la ville de Dreux, à l’ouest de Paris.

Un an plus tard, le parti a obtenu 11 % des voix aux élections parlementaires européennes et a fait élire 10 députés. Le message est clair : la France ne peut plus ignorer Le Pen. L’entrée du parti dans la politique nationale s’est faite deux ans plus tard, lors des élections législatives qui ont donné au parti de M. Le Pen 35 sièges à l’Assemblée nationale française.

À ce moment-là, M. Le Pen a remplacé son cache-œil noir et a commencé à peaufiner son image d’homme de paille.

Surprise

En 1988, il surprend la nation en obtenant 14 % des voix au premier tour des élections présidentielles. Quatorze ans plus tard, lors de sa cinquième candidature à la présidence, il fait mieux : il obtient 16,8 % des voix, arrive en deuxième position derrière Jacques Chirac et se retrouve au second tour.

La France tremble, l’Europe tremble et le Front national jubile. Mais une victoire de Le Pen n’était pas envisageable. Dans une rare union des forces, les partisans de droite et de gauche ont déferlé dans les rues de France pour manifester massivement leur solidarité à l’égard de Le Pen. Le 5 mai 2002, Chirac est reconduit dans ses fonctions avec un score record de 82 % des voix.

Au fil des ans, la ligne politique de M. Le Pen n’a jamais varié.

Dans un discours prononcé en 2003, il a déclaré qu’il souhaitait que la notion de « préférence nationale » soit inscrite dans la Constitution française afin de limiter l’emploi, les possibilités de logement et les autres aides sociales aux citoyens français. L’immigration est « le plus grand danger auquel nous sommes confrontés », a-t-il déclaré.

« Moi ? Raciste ? C’est un gag, un gag », a déclaré M. Le Pen à l’Associated Press. « Mais je ne suis pas pour le melting-pot. Je suis pour la défense de sa culture. Je serais désespéré si je trouvais la culture de Brooklyn en France ».

Vie privée

Sa vie privée a été tumultueuse. En 1976, une explosion détruit l’immeuble familial, mais ne blesse ni Le Pen, ni sa femme, ni ses trois enfants.

Les médias français se sont plu à raconter la saga du divorce de Le Pen et de sa femme Pierrette Lalanne. Dans le cadre de cette séparation amère, elle a posé pour Playboy en 1987, en partie vêtue d’un costume de soubrette osé. Le magazine l’a citée en disant qu’elle réagissait à l’interview de son mari dans Playboy, dans laquelle il avait dit qu’elle pourrait devenir femme de ménage si elle avait besoin d’argent.

Il s’est marié une seconde fois en 1991, avec Jeanne-Marie Paschos, connue sous le nom de Jany.

M. Le Pen a commencé à préparer sa succession lors d’un congrès du parti en 2003, en nommant Marine, la plus jeune de ses trois filles, au poste de vice-présidente. En 2011, elle est devenue présidente du parti et, en 2017 et 2022, elle s’est présentée elle-même au second tour de l’élection présidentielle. Les deux fois, elle s’est inclinée face au centriste Emmanuel Macron, mais avec une marge de plus en plus réduite. Elle est considérée comme l’une des principales candidates potentielles à la prochaine élection présidentielle de 2027.

Mais son style plus souple et ses tentatives pour éloigner le parti des opinions les plus extrêmes de son père l’ont rapidement mise en conflit avec ce dernier. Le refus de ce dernier de renoncer aux provocations antisémites s’est heurté à sa volonté de débarrasser le Front national de son statut de paria.

Elle l’écarte du parti qu’il a cofondé et, en 2018, lui retire son titre de président d’honneur à vie. Quelques mois plus tard, elle a changé le nom du Front national en Rassemblement national dans le cadre de sa stratégie visant à renouveler l’image du parti.

Son père a déclaré qu’il s’agissait du « coup le plus dur » que le parti ait eu à subir depuis sa création. Tout au long de sa vie, Jean-Marie Le Pen a refusé de céder ou d’être réduit au silence.

« Je suis une autorité morale pour le mouvement (…) et je n’ai pas l’habitude de garder mes opinions pour moi », a déclaré M. Le Pen à l’AP en 2014, alors que la querelle père-fille prenait de l’ampleur.

La santé de M. Le Pen s’est détériorée ces dernières années et il a été hospitalisé à plusieurs reprises, notamment à la suite d’un accident vasculaire cérébral. M. Le Pen laisse dans le deuil sa femme et ses trois filles, Marie-Caroline, Yann et Marine.

AFP

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